Par le biais de son programme de tutorat, SINGA apporte non seulement une
aide à l’apprentissage du français mais elle encourage aussi la rencontre. Nous
vous proposons de découvrir le témoignage émouvant d’Aram, réfugié Kurde
Iranien à Paris.
Bonjour Aram, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Aram Osmani. Je suis journaliste
kurde iranien. J’ai quitté l’Iran il y a 15 ans puis j’ai voyagé au Kurdistan,
en Iraq, en Syrie et en Turquie pour travailler. Je suis arrivé en France en 2009
où j’ai maintenant le statut de réfugié politique. J’ai demandé l’asile en
France dès mon arrivée, en passant par l’OFPRA (Office Français de Protection
pour les Réfugiés et les Apatrides) puis par la CNDA (Cours Nationale du Droit
d’Asile). En tout, j’ai attendu 2 ans et demi pour obtenir les papiers. C’est
long !
- Pourquoi as-tu choisi la France ?
Je n’ai pas choisi la France. Il y a des
problèmes chez moi, dans mon pays, l’Iran. Toute ma famille et mes
amis m’ont conseillé de partir en Union européenne. Chez moi, mon frère a été
pendu. J’étais recherché et la police m’a même arrêté. En 2002, j’ai rencontré
un journaliste français au Kurdistan Irakien. Il m’a recommandé de venir en
France. Je suis arrivé en France en passant par la Turquie. Je n’ai pas eu
d’autres choix que de venir en France. Je devais venir en Europe.
- Te souviens-tu de tes premiers jours à Paris ?
Je suis arrivé à la Gare de Lyon. Ensuite,
j’ai habité près de la Gare de l’Est. Au bout de sept mois passé dans Paris,
j’ai vu la tour Eiffel pour la première fois. J’aime beaucoup la culture
française, le Louvre par exemple, mais dans ma tête, je ne suis pas venu pour
visiter la France. Au début, je passais toute la journée dans la rue, il n’y
avait pas de place pour un logement, tellement de problèmes… C’était très
difficile.
- Qu’attendais-tu de ta nouvelle vie à Paris ? Avais-tu
des projets ?
Je fais de la photographie donc j’ai
photographié la Tour Eiffel, le Louvre, les Champs-Elysées… C’est magnifique.
Je photographie tout Paris, mais aussi la banlieue, les endroits moins connus.
Je n’ai pas essayé de vendre ces photos pour vivre. Mais je n’avais pas
de travail donc j’ai demandé à Pôle Emploi et à des associations de m’aider.
Ils ne m’ont rien trouvé et c’est ça qui est difficile. Je suis photographe
professionnel et j’aimerais m’améliorer mais les formations françaises sont
chères.
- Aujourd’hui, comment se déroulent tes journées ?
Maintenant, je travaille pour un site kurde.
J’écris pour des journaux. Je fais des reportages politiques pour des
journaux kurdes. J’ai longtemps cherché du travail mais c’est difficile d’en
trouver. Je ne parle pas assez bien français pour travailler dans un journal
français. J’ai fait du doublage par le passé donc je pourrai aussi travailler
dans le doublage de films. J’ai demandé deux fois au Pôle Emploi de m’aider à
trouver des cours de français mais je n’ai pu suivre qu’un mois de cours à
l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration). Ce n’était pas
assez. Tous les jours, je demande des cours mais il n’y en a pas.
- Depuis ton arrivée, comment ressens-tu l’attitude des
français à ton égard ?
C’est vrai que c’est un problème d’être
Iranien en France. On ne m’a pas beaucoup aidé. Un de mes amis dit une phrase
que j’aime bien : « je suis Kurde français », il ne dit pas « je suis Kurde
iranien ». Aujourd’hui en France, je suis libre, calme et apaisé. C’est
agréable. Mais quelqu’un qui est réfugié pour 10 ans, il faut l’aider à
apprendre au moins la langue de son pays d’accueil. Je trouve aussi que pour
trouver du travail, la France ne m’aide pas beaucoup. C’est un problème pour
les réfugiés.
- Trouves-tu qu’il y a une forte communauté kurde
en France ?
Il y a beaucoup de Kurdes iraniens en France.
Je dis surtout qu’il n’y a pas de liberté pour les Kurdes en Iran. Je suis
Kurde français, et non plus Kurde iranien car aujourd’hui, en France, je suis
libre.
- Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées pour
avoir une nouvelle vie sociale à Paris?
Je n’ai pas beaucoup d’amis en France. Quand
je suis arrivé, j’ai appelé des amis en Allemagne et en Norvège. Ils m’ont
donné des contacts à Paris pour m’aider à me faire des amis. Ce sont des Kurdes
iraniens. Je n’ai pas d’ami Français.
- Quelles sont tes passions ?
J’aime bien écrire, la politique, le
doublage, la photographie. Chez moi, j’arrivais à conjuguer mes passions et ma
vie professionnelle. J’aime aussi lire tous les jours.
- Quel est ton projet professionnel ?
J’ai pour projet de travailler dans un journal
télévisé kurde : « Tishk TV ». Je vais être le présentateur. Pôle Emploi m’a
finalement proposé un stage. Tous les jours, je leur demandais un stage ou une
formation et ils ne me donnaient rien. J’ai beaucoup d’idées de travail en tête
mais ils ne m’aident pas. Je sais faire beaucoup de choses. Mais ils ne me
proposent rien. Une fois, ils m’ont proposé de payer deux mois de cours de
Français professionnel à la Sorbonne. J’ai la lettre chez moi qui le confirme.
Mais ils refusent de payer les cours. Ils disent que c’est trop cher. Ils ne
m’aident pas. Ils me demandent pourquoi je n’ai pas de travail, et je leur
réponds « Madame, moi je ne peux pas comprendre et parler français ». Je ne
connais pas les lois françaises. Chez moi, je suis journaliste et écrivain.
Ici, ils me proposent de travailler dans les restaurants. Je n’ai aucune
expérience dans le domaine de la restauration. Je n’y connais rien. C’est la
même chose pour le travail dans le bâtiment. Pôle Emploi me dit que c’est trop
cher de prendre des cours même à l’Alliance Française. Heureusement, j’ai SINGA
!
- Justement, comment as-tu découvert SINGA ?
La première fois, c’est le CADA (Centre
d’Accueil des Demandeurs d’Asile) qui m’a parlé de SINGA. Ils m’ont dit que ça
pouvait m’aider à apprendre le français. Depuis trois mois, je viens en cours
de français chez SINGA et je trouve que c’est très bien pour aider les
réfugiés. C’est important pour tous les réfugiés de pouvoir apprendre le
français. Merci beaucoup ! Déjà, en quelques mois, je connais un peu mieux la
langue française et ma professeure, Alice, est très douée.
- Comment se passe le tutorat ?
Depuis trois mois, on fait des exercices. On
écrit, on lit. J’apprends du vocabulaire, de la conjugaison, la structure des
phrases… On lit le Petit Prince. C’est très bien. Ma professeure le photocopie
pour moi. On le lit un peu ensemble puis elle m’aide pour le comprendre. Merci
à elle.
- Que penses-tu de SINGA ?
C’est très bien ! J’en ai parlé à un ami
journaliste il y a deux semaines. Il aimerait venir. Je lui ai dit que c’était
bien car il y a une personne avec un professeur. C’est parfait pour
comprendre, parler, discuter, faire des exercices. Je suis très content car
c’est la première fois que je peux comprendre la langue française. J’ai suivi
des cours quatre fois dans des écoles différentes. Ce n’était pas la même
chose. On ne discutait pas. On ne parlait pas. Ce n’était pas suffisant
pour apprendre. Aujourd’hui, je trouve ça important d’échanger pour apprendre.
SINGA, c’est tout en même temps. On parle d’égal à égal.
- Quelles seraient tes attentes vis-à-vis de ce que SINGA
fait ou pourrait faire pour toi ?
SINGA m’a beaucoup aidé. Alors, en retour,
j’aimerais aider SINGA. C’est bien d’aider gratuitement les étrangers à
apprendre le français. J’aimerais qu’il y ait plus de gens qui viennent chez
SINGA pour apprendre la langue française. Je pense qu’il faudrait faire un
festival avec tous les réfugiés, où chacun ferait quelque chose. L’un
chanterait, un autre ferait de la musique, du théâtre… Ils montreraient comment
on le fait dans nos pays d’origines. Chacun montrerait sa culture. Moi, je
montrerais la danse, la musique kurde. J’expliquerais le système politique des
Kurdes. Je suis danseur et j’aime l’idée que je pourrais enseigner les danses
traditionnelles kurdes à des Français qui aiment aussi la danse. Les danses
kurdes sont très sportives.
- Quelque chose à ajouter ?
Merci SINGA ! C’est très bien ce que vous
faites ! Continuons ensemble! J’aime l’idée que les Français puissent
rencontrer les réfugiés et que le système français peut voir la situation des
réfugiés pour s’améliorer. Et qu’éventuellement cela puisse inspirer des
organismes comme Pôle Emploi.
Je voudrais dire aux gens qui veulent faire
une demande d’asile en France que la situation est vraiment dure. Je
connais quelqu’un qui vivait dans la rue. Il était fatigué d’attendre son
statut de réfugié parce que ça prend beaucoup de temps. Je trouve que la loi
française, et l’accueil à la préfecture, ne sont pas adaptés pour des
personnes qui fuient les persécutions ou la guerre. Beaucoup de gens partent
parce que l’attente est trop longue pour obtenir l’asile. Tout le monde est
fatigué. J’espère que la France va améliorer l’organisation de l’aide aux
étrangers et fera une nouvelle loi pour les réfugiés. Je vois dans le métro des
étrangers qui sont violents car ils n’ont pas de papiers. Ils deviennent fous.
Les attentes sont très longues pour quelqu’un qui est tous les jours dans la
rue, sans place en CADA. Je ne comprends pas les lois françaises. La Convention
de Genève de 1951 dit que quelqu’un qui a des problèmes chez lui peut partir.
Pour mon travail dans un journal kurde, j’ai beaucoup parlé avec quelqu’un qui
vivait dans la rue en attendant l’asile. Il a beaucoup de problèmes chez lui,
mais n’a toujours pas le statut de réfugié. Je ne comprends pas la loi
française, l’OFPRA… Je connais quelqu’un qui a passé 5 ans en prison en Iran.
Il se faisait frapper. Il avait beaucoup de problèmes et aujourd’hui, il est en
Europe, et la CNDA ne lui a pas donné de papiers. C’est important aujourd’hui
d’améliorer l’aide aux réfugiés.
Propos recueillis par Aymeric Prévot-Leygonie
Merci à Aram Osmani d’avoir répondu à nos questions.
Vous pouvez retrouver Aram à ces deux adresses
:
Remarque : Les propos d’Aram ont été
retranscrits dans un français littéraire pour une meilleure compréhension des
lecteurs
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